Le paracétamol, un médicament accessible sans ordonnance en pharmacie, est un antalgique (= anti-douleur) de palier 1 et antipyrétique (c’est-à-dire qu’il diminue la fièvre). Il est très bien toléré par l’organisme et peut être pris par les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes. Sa seule contre indication reste les maladies graves du foie et il ne faut jamais dépasser la dose de 1gr par 8 heures, soit 3gr par jour pour un adulte, sans avis médical (il est toxique pour le foie). Voir la liste des médicaments contenants du paracétamol.

Il est utilisé en première intention pour la lombalgie et est prescrit très fréquemment alors qu’il n’existe, actuellement, aucune étude scientifique pour prouver son réel intérêt.

Seulement voilà : une étude de juillet 2014 1 bouscule les consensus : le paracétamol ne servirait-il à rien contre les lombalgies ?

Cette étudea évalué l’efficacité du paracétamol dans le cas d’une lombalgie aiguë en le comparant au placebo.

Résultats de l’étude

Elle ne trouve pas de différence statistique dans le temps de rétablissement de la lombalgie entre le groupe traité avec le paracétamol et le groupe traité par le placébo. Elle trouve autant d’effets secondaires (chez près de 18,5% des participants) dans les 2 groupes (on parle alors d’effet nocébo pour le groupe placébo).

Conclusion de l’étude

La prescription de paracétamol ne change pas la durée de la lombalgie si on la compare au placébo. L’étude suggère de remettre en question le consensus d’utilisation du paracétamol dans le traitement de la lombalgie.

Une revue systématique de 2008 2 avait déjà pointé du doigt le manque de preuve sur l’efficacité du paracétamol dans le traitement de la lombalgie.

D’après cette étude, le traitement de la lombalgie commune par le paracétamol ne changeait rien :

  • “Ces analyses n’ont montré aucun effet du traitement” et “le paracétamol a également eu aucun effet sur la douleur, le handicap, la fonction, le changement global des symptômes, le sommeil, ou la qualité de vie.”

  • “Le délai de récupération, la douleur et le nombre de jours de douleur ne différaient pas”

  • Il est à noté que cette même étude trouvait aussi la même proportion d’effets indésirables : “Les événements indésirables entre les groupes de traitement ne diffèrent pas.”

Ainsi, on comprend que le paracétamol n’écourte pas le temps de la lombalgie, ne diminue pas l’intensité de la douleur et ne redonne pas de la mobilité si le dos est “bloqué”.

L’intérêt de l’ostéopathie dans la lombalgie commune

Le problème de la lombalgie commune (la majorité des cas de lombalgie) est que son origine peut avoir plusieurs causes (qui se recoupent) et que son passage à la chronicité est très mal compris 3 :

[…] Le processus semble être multifactoriel : impliquant une potentielle interaction complexe entre la structure anatomique, la fonction biomécanique, les impératifs environnementaux et ses réponses psychosociales. […] 40% des patients atteints de lombalgies ont des récurrences dans les 6 mois, et jusqu’à 60% ont des récidives dans l’année.

Forcément, si la cause n’est pas traitée, le mal revient…

Je pense que l’échec du paracétamol dans le traitement de la lombalgie commune vient du fait qu’il ne traite pas la cause : les douleurs sont toujours présentes car la dysfonction à l’origine de la douleur est toujours présente 4 :

[…] La dysfonction somatique, en particulier dans les régions lombaire et le sacrum / bassin, est fréquente chez les patients atteints de lombalgie chronique.

L’ostéopathie est donc un traitement de choix dans les lombalgies : c’est une thérapie qui recherche la cause et n’a pas pour but final de traiter le symptôme mais de traiter l’individu, dans toute sa globalité, en lui redonnant ses capacités de compensation.

On pourrait dire que le symptôme est la partie émergée de l’iceberg et que l’ostéopathe cherche et creuse en dessous de cette partie émergée pour traiter la ou les dysfonctions somatiques.

Compte tenu de ses faibles risques 5, la prise en charge ostéopathique devrait donc être proposée dans le protocole de traitement des lombalgies car 3 5 6 7 8 9 10 11 12 :

  • Elle permet une diminution de la douleur (dans les lombalgies aiguës et chroniques et sur le long terme : jusqu’à 1 an),
  • Elle permet une diminution de la consommation médicamenteuse,
  • Elle permet, dans certains cas, d’éviter le passage à la chronicité.

La douleur

Nous venons de le voir : l’ostéopathie est efficace en terme de résultat sur la douleur chez les patients ayant une lombalgie. D’ailleurs, une étude 13 conclue que les concentrations de plusieurs bio-marqueurs circulatoires de la douleur sont modifiées après un traitement ostéopathique.

Une autre étude 11 conclue que l’ostéopathie à un effet analgésique (= anti-douleur) comparable aux médicaments anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS).

Or, avoir un résultat comparable aux AINS ne veut pas dire que le traitement ostéopathique diminue l’inflammation : quand est-il des bio-marqueurs de l’inflammation avec l’ostéopathie ?

L’inflammation

Concernant l’inflammation, une étude 14 tout à fait intéressante a évalué les concentrations de TNF-α (“Tumor Necrosis Factor”) chez les patients souffrant de lombalgie chronique. Cette étude a trouvé une diminution de la concentration de TNF-α chez les patients souffrants de lombalgie ayant eu un traitement ostéopathique.

Or ce TNF-α est une molécule (de la famille des interleukines produite par le corps au cours de l’inflammation. Une étude de 2007 15 montre que les techniques indirectes ostéopathiques inversent les effets inflammatoire dans les cellules par l’intermédiaire des interleukines et que ce mécanisme serait peut-être l’un des facteurs à l’origine de l’effet antalgique (= anti-douleur) de l’ostéopathie.

Ainsi, on pourrait penser que l’ostéopathie diminue l’inflammation dans le cadre des lombalgies…

Cependant, une étude in vitro 16 avance l’hypothèse que les dysfonctions somatiques peuvent provoquer la sécrétion de cytokines inflammatoires par les fibroblastes : en levant les dysfonctions somatiques par un traitement ostéopathique, on diminue alors les contraintes que subissent ces cellules et donc leur sécrétion de cytokines.

Il faut néanmoins savoir que l’ostéopathie ne traite pas l’inflammation et ne se substitut pas à traitement anti-inflammatoire : l’ostéopathe ne prend pas en charge un patient en phase aiguë inflammatoire (poussée inflammatoire d’arthrose, arthrite, capsulite rétractile dans sa “phase chaude”…) car le traitement est alors médical. Cependant, l’ostéopathie peut aider (en dehors des périodes d’inflammation), en travaillant sur les causes de l’inflammation lorsque celle-ci a une origine fonctionnelle (par exemple : une tendinite par contrainte mécanique du tendon…).

Effets psychotrope de l’ostéopathie ?

Une étude 4 à chercher l’origine des effets psychotropes du traitement ostéopathique (anxiolytique, analgésique, sédation) et émet l’hypothèse que cet effet provient des cannabinoïdes endogènes (produits par le corps et qui activent les récepteurs du même nom dans le cerveau). La somatisation, le stress et les angoisses peuvent avoir un impact conséquent sur les douleurs lombaires. Ainsi, il est intéressant de voir que l’ostéopathie peut avoir une influence sur ces ressentis : qui ne s’est pas senti “au pays des bisounours” après une séance ?

Paracétamol vs ostéopathie

Je pense que l’ostéopathie est un traitement de choix pour les douleurs lombaires communes. L’ostéopathie, par des manipulations douces sur le corps, doit redonner de la mobilité, mais aussi et surtout permettre la production de composés endogènes afin de favoriser l’homéostasie et la guérison du corps comme le pensait Andrew Taylor Still. Comme nous venons de le constater, l’action de l’ostéopathie ne s’arrête pas à ses seuls effets mécaniques.

Sources

  1. Christopher M Williams, Christopher G Maher, Jane Latimer, Andrew J McLachlan, Mark J Hancock, Richard O Day, Chung-Wei Christine Lin. Efficacy of paracetamol for acute low-back pain: a double-blind, randomised controlled trial. The Lancet, Volume 384, No. 9954, p1586–1596, 1 November 2014 

  2. Reece A. Davies, Christopher G. Maher, and Mark J. Hancock. A systematic review of paracetamol for non-specific low back pain. European Spine Journal (2008) Vol 17, N°11 - p 1423-1430 

  3. Licciardone JC. The Unique Role of Osteopathic Physicians in Treating Patients With Low Back Pain. The Journal of the American Osteopathic Association (2004) Vol 104, N°11, suppl 13S-18S  2

  4. John M. McPartland, Andrea Giuffrida, Jeremy King, Evelyn Skinner, John Scotter, Richard E. Musty. Cannabimimetic Effects of Osteopathic Manipulative Treatment. The Journal of the American Osteopathic Association (2005) Vol 105, N°6 - p 283-291  2

  5. Vick DA, McKay C, Zengerle CR. The safety of manipulative treatment: review of the literature from 1925 to 1993. The Journal of the American Osteopathic Association (1996) Vol 96, N°2 - p 113-115  2

  6. Licciardone JC, Angela K Brimhall, Linda N King. Osteopathic manipulative treatment for low back pain: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Musculoskeletal Disorders (2005) Vol 6, N°43 

  7. des Anges Cruser, Douglas Maurer, Kendi Hensel, Sarah K Brown, Kathryn White, Scott T Stoll. A randomized, controlled trial of osteopathic manipulative treatment for acute low back pain in active duty military personnel. The Journal of Manual and Manipulative Therapy (2012) Vol 20, N°1- p 5-15 

  8. John C. Licciardone, Cathleen M. Kearns, Dennis E. Minotti. Outcomes of osteopathic manual treatment for chronic low back pain according to baseline pain severity: results from the OSTEOPATHIC Trial. Manual Therapy Journal (2013) Vol 18, N° 6 - p 533-540 

  9. Licciardone JC. The OSTEOPATHIC Trial Demonstrates Significant Improvement in Patients With Chronic Low Back Pain as Manifested by Decreased Prescription Rescue Medication Use. The Journal of the American Osteopathic Association (2014) Vol 114, N°7 - p 528-529 

  10. Andersson GB, Lucente T, Davis AM, Kappler RE, Lipton JA, Leurgans S. A comparison of osteopathic spinal manipulation with standard care for patients with low back pain. The New England Journal of Medicine (1999) Vol 341, N°19 - p 1426-1431 

  11. Clinical Guideline Subcommittee on Low Back Pain, Special Communication. American Osteopathic Association guidelines for osteopathic manipulative treatment (OMT) for patients with low back pain. The Journal of the American Osteopathic Association (2011) Vol 110, N°11 - p 653-666  2

  12. Prinsen JK, Hensel KL, Snow RJ. OMT associated with reduced analgesic prescribing and fewer missed work days in patients with low back pain: an observational study. The Journal of the American Osteopathic Association (2014) Vol 114, N°2 - p 90-98 

  13. Brian F. Degenhardt, Nissar A. Darmani, Jane C. Johnson, Lex C. Towns, Diana C. J. Rhodes, Chung Trinh, Bryan McClanahan, Vincenzo DiMarzo. Role of Osteopathic Manipulative Treatment in Altering Pain Biomarkers: A Pilot Study. The Journal of the American Osteopathic Association (2007) Vol 107, N°9 - p 387-400 

  14. Licciardone JC, Kearns CM, Hodge LM, Bergamini MV. Associations of cytokine concentrations with key osteopathic lesions and clinical outcomes in patients with nonspecific chronic low back pain: results from the OSTEOPATHIC Trial. The Journal of the American Osteopathic Association (2012) Vol 112, N°9 - p 596-605 

  15. Kate R. Meltzer, Paul R. Standley. Modeled Repetitive Motion Strain and Indirect Osteopathic Manipulative Techniques in Regulation of Human Fibroblast Proliferation and Interleukin Secretion. The Journal of the American Osteopathic Association (2007) Vol 107, N°12 - p 527-536 

  16. John G. Dodd, Meadow Maze Good, Tammy L. Nguyen, Andersen I. Grigg, Lyn M. Batia, Paul R. Standley. In Vitro Biophysical Strain Model for Understanding Mechanisms of Osteopathic Manipulative Treatment. The Journal of the American Osteopathic Association (2006) Vol 106, N°3 - p 157-166